mercredi 25 mai 2016

LA LOI TRAVAIL DANS LE GROUPE THALES

La coordination SUPPer (Syndicat Unitaire et Pluraliste du Personnel) de Thales a diffusé le 17 mai sur plusieurs sites du groupe un tract annonçant qu’une négociation était en cours sur les sujets suivants :

  • Accord sur « l’Evolution de la Croissance et l’Emploi",
  • Accord d’Intéressement Groupe (mutualisation des intéressements au niveau Groupe),
  • Accord CET (Compte Epargne Temps).

Ces négociations, lancées à la demande expresse du PDG du groupe Thales Patrick CAINE, se déroulent dans le plus grand secret. A sa demande, les syndicats qui y participent (CFDT, CFE-CGC, CFTC et CGT) ne font aucune publication du contenu et des évolutions des textes proposés par la Direction. A TMI, nous avons interrogé la direction en réunion DP sur le contenu de l’accord CET, sans résultat. Comme il n’y a aucune raison que les salariés de TMI soient moins informés que ceux de TSA, TOSA ou THAV, vous trouverez ici quelques informations sur la négociation en cours.

Dans le projet d’accord « Evolution de la Croissance et de l’Emploi », on trouve des mesures qui pourraient paraitre positives mais surtout des retombés directes de la loi travail : flexibilité, dérégulation des horaires de travail, possibilité de 3 x 8 h, de travail de nuit, de travail le dimanche …

Personne n’est dupe, il y a une volonté de contourner les accords 35h00 actuellement en vigueur. La direction de Thales souhaite flexibiliser notre temps de travail et pour faire passer la pilule, elle propose des contreparties : Intéressement groupe, déplafonnement de la participation et de l’intéressement, subrogation généralisée, Compte Epargne Temps Groupe, contrat de génération, etc…

La flexibilisation consiste à nous faire accepter de mettre entre parenthèse notre vie personnelle lorsque la charge de travail est forte. Lorsqu’une contrepartie financière est prévue, on pourrait croire à un accord gagnant-gagnant mais ce n’est pas aussi simple :

  • de par nos obligations personnelles ou familiales nous n’avons pas tous la même flexibilité et c’est souvent sur cette flexibilité différente que se fondent les discriminations,
  • plus de flexibilité dans le temps de travail crée plus de chômage,
  • cette demande de flexibilité est liée à un engagement du groupe envers ses actionnaires : reverser la moitié du résultat du groupe sous forme de dividende !

Beaucoup de salariés, jeunes ou séniors, ne se sentent pas concernés par la Loi Travail. Mais les Directions elles, soucieuses de la compétitivité et des bénéfices financiers, regardent tous les avantages que cette Loi pourrait leur procurer. Le fait que la direction du groupe impose le plus grand silence aux syndicats qui négocient n’est pas de bon augure : la négociation de nos conditions de travail doit se faire en toute transparence sinon comment prendre en compte l’avis des salariés ? La loi EL KHOMRI entend favoriser les accords d’entreprise mais que vaudront les accords négociés dans le secret ?


Accord groupe sur l’évolution de la croissance et l’emploi

Cet accord prévoit des règles destinées à permettre une augmentation de la flexibilité. La direction cherche à emporter l’adhésion du plus grand nombre. C’est la raison pour laquelle ces mesures privilégient le volontariat (enfin tant qu’il y a des volontaires…).

Organisation du travail :
Comme principe général, la direction du groupe indique ne pas pouvoir disposer de toute les mesures possible pour faire en sorte que la charge de travail puisse correspondre à l’effectif. L’idée est donc faire en sorte que l’emploi corresponde à la charge en utilisant de nouvelles mesures.
Dans son projet d’accord, elle ouvre la possibilité d’utiliser toute sorte de nouvelles organisations du travail :
  • travail de nuit en équipe unique,
  • travail en 2x8,
  • travail en 3x8,
  • travail en équipe de suppléance (VSD ou SDL)
  • organisation du travail pour un maintien d’activité sur 6 jours
  • travail intermittent.

Sauf sur les sites où de telles organisations sont déjà la norme, ces mesures ne pourront excéder 24 mois au maximum. Pour chaque cas, elle propose une prime d’indemnité variant de 175€ à 400€.

Lorsque des salariés renonceront à des jours de congé (maximum 3 jours), ils percevront une indemnité de 1/22ème du salaire mensuel majoré de 10%.

Proposition d’une convention individuelle augmentant le nombre d’heures de travail pour les mensuels. Ces heures supplémentaires seront alors majorés de 25%.

Proposition d’aménager le temps partiel afin de le rendre plus flexible. Un accord d’entreprise devra alors être négocié.

Temps réduit pour raison familiale : Un salarié pourra pour raison familiale réduire son temps de travail hebdomadaire pendant plusieurs périodes de l’année. Pour limiter leurs impacts, le salaire pourra être lissé et les cotisations se faire sur la base d’un temps plein.

Emploi jeunes et séniors : Maintien des mesures favorisant l’entrée de jeunes salariés dans l’entreprise. La partie pénibilité de l’accord sénior est reconduite pour 5 ans.

Don de jours de congé : Les salariés vont pouvoir donner des jours de repos aux parents dont un enfant, gravement malade ou handicapé, nécessite une présence soutenue. La direction a prévu un abondement de 50%. Le don sera anonyme, définitif et sans contrepartie.

Généralisation de la subrogation : La subrogation sera généralisée à l’ensemble du groupe. Le mot n’est pas très connu mais il désigne la possibilité pour une entreprise de recevoir à la place d’un salarié malade l’indemnité journalière de sécurité sociale. Sans subrogation, il y a un risque de différé du fait du temps nécessaire de traitement du dossier. L’effet attendu est de maintenir le salaire de la personne concernée.
L’ensemble de ces mesures fera l’objet d’un bilan en juin 2018.

Commentaire CNT : C’est dans cette partie qu’on retrouve tout l’esprit de la loi Travail du gouvernement Hollande. La direction de Thales souhaite plus de flexibilité afin de mieux adapter l’effectif à l’emploi. Pour donner le change, elle propose quelques avantages tout en sachant bien qu’une minorité seulement en profitera. Elle propose de gagner plus si on travaille plus mais lorsqu’on a un bon salaire, quel est l’intérêt de remplacer ses jours de congé par une prime, quel est l’intérêt d’augmenter notre temps de travail hebdomadaire ? Ou alors nous devons nous attendre à voir nos augmentations se maintenir au plus bas ? Sans oublier que plusieurs articles sont une remise en cause totale des 35h00…

Accord d’intéressement groupe

L’idée est de faire en sorte que tous les salariés de Thales soient couverts par un accord d’intéressement. La direction du groupe propose de lier le déclenchement des primes à trois indicateurs : la prise de commande, le cash-flow opérationnel (la trésorerie) et le taux de réalisation des EDP.
Plusieurs sites ayant largement dépassé leurs objectifs les années passées, la prime d’intéressement s’est souvent trouvée limitée par le seuil de 4% défini arbitrairement par la direction du groupe. En gros, elle veut bien verser de l’intéressement aux salariés lorsqu’ils atteignent les objectifs mais pas pour leur permettre de gagner de l’argent ! Là, elle propose de passer le seuil à 5%...
Notre établissement, TMI, étant couvert par un accord d’intéressement, des dispositions transitoires pourront s’appliquer. Elles permettent théoriquement de maintenir la règle d’intéressement la plus favorable jusqu’à la fin de l’accord TMI.

Commentaire de la CNT : Il reste du travail à faire pour rendre cet accord acceptable. Le seuil de 5% et les nouveaux critères ne garantissent pas que ce nouvel intéressement soit proportionnellement meilleur que l’intéressement actuel. Encore une fois, la direction propose de proratiser le montant de l’intéressement selon le temps de travail ce qui est discriminant envers les salariés à temps partiel, majoritairement des femmes, mais il semble qu’elle ait revu son point de vue. Ensuite, le projet propose un montant proportionnel au salaire, ce qui laisserait croire que les salariés les mieux payés seraient les plus méritants. Les salariés cadres bénéficient déjà souvent d’incitations financières (parts variables, actions gratuites, etc.) qui n’ont aucun équivalent pour les non-cadres. Une prime d’intéressement identique pour tous serait donc plus acceptable même si l’essentiel de la rémunération des salariés doit passer par le salaire et non par des primes.

Accord Compte Epargne Temps (CET)

La direction propose la signature d’un accord compte épargne temps avec réserve solidaire. Ce compte, pourra être alimenté avec des congés payés ou des jours de RTT non pris, dans la limite de 10 jours par an, ou en numéraire par le versement du 13ème mois, de la part variable des cadres ou de la prime d’intéressement. La direction prévoit un abondement de 20% dont la moitié est placé sur une réserve solidaire. Cette réserve solidaire sera mobilisée pour faire face à une baisse d’activité afin d’éviter le recourt au chômage partiel.
Le temps épargné permettra à des salariés de financer un passage à temps partiel sans perte de salaire, un congé exceptionnel voir un complément de rémunération. Les plus de 50ans pourront bénéficier de mesures spécifiques (abondement de 30%) afin de leur permettre de financer un départ à la retraite, anticipé d’une durée pouvant aller jusqu’à 180 jours.

Commentaire de la CNT : La loi permet déjà de reporter une partie des congés pendant 6 ans afin de financer un congé sabbatique ou création d’entreprise. Les avancés se trouvent donc dans quelques détails : le temps peut être épargné sur une durée plus longue, des abondements sont créés, on pourra transformer ses congés en primes ou ses primes en congés, etc. Pourtant, ces mesures ne sont pas alignées sur les mesures les plus favorables en vigueur dans les filiales ayant déjà négociés des accords CET. Il reste aussi des questions sur la gestion de la réserve solidaire : le montant étant individuel comment pourra t’on maintenir une cohésion sociale ?



Le groupe Thales s’est donné des objectifs de rentabilité ambitieux. Pour les atteindre, la direction du groupe souhaite augmenter notre flexibilité pour éviter les recrutements destinés à remplacer les départs à la retraite. Le risque cette vision des choses, c’est une dégradation des conditions de travail pour ceux qui sont dans l’entreprise.

Dans la ligné de la Loi Travail, la direction du groupe souhaite augmenter sa rentabilité en nous demandant de faire l’effort d’adaptation, en nous demandant de nous impliquer plus au détriment de notre vie personnelle. Ce n’est pas la bonne méthode pour réduire un chômage devenu endémique. L’entreprise Thales a une responsabilité sociale : comment accepter qu’avec des carnets de commande qui débordent elle ne cherche pas à participer à la réduction du chômage ?

Le chômage, l’emploi précaire, les salaires insuffisants pour vivre sont des violences qui entrainent d’autres violences. Les lois de Macron, Valls et El Khomri ne combattent pas les inégalités qui se creusent. La seule mesure capable de réduire le chômage, c’est le partage du temps de travail, c’est le passage à 32 heures !

Ce jeudi 26 mai est une journée de grève et de manifestation contre la loi Travail. La manifestation rennaise partira à 11h00 de l’esplanade Charles DeGaulle. D’autres journées de mobilisation sont planifiées. Nous appelons l’ensemble des salariés à y participer.

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