Au cours de cette garde à
vue, mes vêtements, mon sac ont été fouillés, mon poste de
travail, le local de la section CNT, les locaux du comité
d’entreprise, mon véhicule et mon domicile ont été
perquisitionnés. Lors de ces perquisitions, les gendarmes ont saisi
mon ordinateur personnel, mon téléphone personnel et ses 2 cartes
SIM, mon lecteur MP3, ma clé USB ainsi que l’intégralité de ma
messagerie professionnelle et les données présentent sur le PC de
mon poste de travail.
Plus de six mois après
cette garde à vue, aucun de mes objets, aucun de mes fichiers ne m’a
été rendu.
Comme préjudice,
il y a d’abord la journée de garde à vue qui me coûte une
journée de congé, l’intrusion dans ma vie privée que
permet le visionnage de mes photos ou la lecture de mes mails, mais
surtout je déplore qu’il soit aussi facile de me priver aussi
longuement des objets qui m’appartiennent. Un ordinateur, un
téléphone, un abonnement téléphonique qu’il a bien fallu que je
remplace, des musiques, des logiciels, des données d’accès à des
prestations (abonnements, ...), des informations personnelles
auxquels je n’ai plus accès, etc.
Les gendarmes auraient
pu se contenter de copier les données comme ils l’ont fait
pour l’ordinateur de mon poste de travail et ma messagerie
professionnelle mais ils ont délibérément décidé de me priver
des moyens que j’utilisais dans le cadre de mes mandats et de
mon activité syndicale. Et même si c’est légal, c’est
injuste !
De même, la loi indique
dans son article 803 du code de procédure pénal : « Nul
ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il
est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même,
soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. » Je
ne comprends pas pourquoi j’ai été considéré comme un individu
dangereux ou susceptible de prendre la fuite. Les gendarmes s’en
tenant généralement aux avis qu’ils ont pu collecter, seule une
influence locale peut expliquer ce « traitement de faveur ».
La direction de TMI le
justifie en disant que c’est le résultat de mes silences et de
ma soi-disant « non-collaboration ». Je conteste ce
point de vue : j’ai répondu à l’essentiel des questions,
les gendarmes ont justement saisi le matériel que je leur ai indiqué
avoir utilisé dans le cadre de mes mandats. Ce qu’ils ont
interprété comme un refus de coopérer est lié à mon
engagement syndical : je possède des informations sur des
dossiers en cours d’instruction et je n’ai pas à divulguer des
informations ou des documents qui m’ont été confiés. Si la
justice a le droit d’y accéder sans mon consentement, je dois
l’obliger à utiliser ce droit. Et si j’ai refusé de transmettre
l’identité de ceux d’entre vous qui m’ont transmis les copies
des courriers qu’ils ont reçus, c’est par réflexe de classe.
Je ne souhaite à aucun d’entre vous l’épreuve d’une garde à
vue, d’une perquisition ou d’être exposé entravé à la vue de
tous.
Aujourd’hui, n’importe
quel syndicaliste, n’importe quel militant ouvrier, n’importe
quel manifestant peut faire l’objet d’une garde à vue. Le
durcissement des lois destinées à la lutte contre le crime
organisé ou le terrorisme sont aussi utilisées pour le contrôle
du mouvement social. Le mouvement social étant par nature
collectif et solidaire, une délégation, un syndicat, une
association peut alors devenir « une bande organisée »,
les faits survenus au cours d’une manifestation ou d’une grève
« des violences en réunion » et le fait de
retenir des cadres dirigeants pour avoir une réponse sur l’avenir
d’une entreprise peut être maintenant assimilé à une
« séquestration ». Des termes qui
permettent à la police d’utiliser la violence et qui alourdissent
sérieusement les peines encourues.
Si le durcissement des
lois et des moyens mis à la disposition des polices et de la justice
ne donnent pas vraiment l’impression d’avoir fait baisser le
risque pour des citoyens d’être victime de la délinquance, du
terrorisme ou du grand banditisme, il n’est pas sans effet sur le
mouvement social. Des syndicats comme la CNT, SUD-Solidaire ou la
CGT déplorent toutes les semaines des cas de criminalisation
du mouvement social qui vise leurs adhérents. Or, défendre
l’intérêt général face à l’injustice ne devrait
jamais être assimilé à de la crapulerie.
De gros moyens de police
et de justice sont encore mobilisés pour défendre les seuls
intérêts patronaux. Comment ne pas penser que ces moyens sont
justement ceux qui ont manqué à la protection des 149 victimes des
attentats de l’année dernière ? Police et justice s’attaque
à nos libertés en se plaignant d’un manque de moyen pour lutter
contre le terrorisme alors qu’un changement de priorité
permettrait de libérer ces moyens.
Je suis syndicaliste
et je ne peux pas oublier que ce sont les luttes syndicales qui ont
permis de gagner la journée de 8 heures, les congés payés, le
droit à une retraite, la couverture maladie et à peu près tous les
avantages qui nous permettent de supporter le salariat. Comme la
plupart des militants de la CNT, je suis révolté de voir de
quelle manière le partage des richesses devient encore plus
inégal et de voir que des organisations syndicales
participent à cette inégalité en signant tous les accords qui vont
à l’encontre des intérêts de ceux qu’elles sont censés
défendre. Pour que je puisse continuer ce syndicalisme, je vous
appelle à voter pour la CNT lors du premier tour des élections
professionnelles du 2 février 2016.
Pour en revenir à mon
affaire, j’ai saisi d’une plainte la direction de la
commission Ethique et Responsabilité d’Entreprise du groupe
Thales, je l’ai rencontrée en septembre dans les locaux du siège
à La Défense, mais ils n’ont retenu aucune faute de la part de la
direction de TMI. J’ai aussi l’intention de saisir le défenseur
des droits d’une plainte pour discrimination mais la procédure est
assez longue à mettre en place.
Le 14 janvier dernier,
j'ai été de nouveau placé en garde à vue. On me prédit
des peines délirantes : plusieurs mois de prison et plusieurs
milliers d'euros d'amendes mais à l’issu de cette garde à vue, je
n'ai reçu aucune convocation devant la justice.
La loi ne me permettant
d’interroger le procureur de la république sur les suites de la
garde à vue qu’après un délai de 6 mois, je n'ai donc plus qu'à
attendre.
J’en profite pour
remercier une nouvelle fois ceux et celles qui m’ont soutenu d’un
mot ou d’un regard le 28 mai dernier, ou encore ce 14 janvier,
pendant que d’autres paradaient. La Chanson pour l’Auvergnat de
Brassens a pris pour moi, depuis, tous son sens."
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