mardi 19 janvier 2016

Donnez-moi deux lignes [écrites] de la main d'un homme, et j'y trouverai de quoi suffire à sa condamnation. RICHELIEU

"Voilà maintenant plus de 6 mois, le 28 mai 2015, j’ai été placé en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur la diffusion des salaires de TMI et je n’ai connaissance d’aucune charge retenue contre moi.

Au cours de cette garde à vue, mes vêtements, mon sac ont été fouillés, mon poste de travail, le local de la section CNT, les locaux du comité d’entreprise, mon véhicule et mon domicile ont été perquisitionnés. Lors de ces perquisitions, les gendarmes ont saisi mon ordinateur personnel, mon téléphone personnel et ses 2 cartes SIM, mon lecteur MP3, ma clé USB ainsi que l’intégralité de ma messagerie professionnelle et les données présentent sur le PC de mon poste de travail.

Plus de six mois après cette garde à vue, aucun de mes objets, aucun de mes fichiers ne m’a été rendu.

Comme préjudice, il y a d’abord la journée de garde à vue qui me coûte une journée de congé, l’intrusion dans ma vie privée que permet le visionnage de mes photos ou la lecture de mes mails, mais surtout je déplore qu’il soit aussi facile de me priver aussi longuement des objets qui m’appartiennent. Un ordinateur, un téléphone, un abonnement téléphonique qu’il a bien fallu que je remplace, des musiques, des logiciels, des données d’accès à des prestations (abonnements, ...), des informations personnelles auxquels je n’ai plus accès, etc.

Les gendarmes auraient pu se contenter de copier les données comme ils l’ont fait pour l’ordinateur de mon poste de travail et ma messagerie professionnelle mais ils ont délibérément décidé de me priver des moyens que j’utilisais dans le cadre de mes mandats et de mon activité syndicale. Et même si c’est légal, c’est injuste !

De même, la loi indique dans son article 803 du code de procédure pénal : « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. » Je ne comprends pas pourquoi j’ai été considéré comme un individu dangereux ou susceptible de prendre la fuite. Les gendarmes s’en tenant généralement aux avis qu’ils ont pu collecter, seule une influence locale peut expliquer ce « traitement de faveur ».

La direction de TMI le justifie en disant que c’est le résultat de mes silences et de ma soi-disant « non-collaboration ». Je conteste ce point de vue : j’ai répondu à l’essentiel des questions, les gendarmes ont justement saisi le matériel que je leur ai indiqué avoir utilisé dans le cadre de mes mandats. Ce qu’ils ont interprété comme un refus de coopérer est lié à mon engagement syndical : je possède des informations sur des dossiers en cours d’instruction et je n’ai pas à divulguer des informations ou des documents qui m’ont été confiés. Si la justice a le droit d’y accéder sans mon consentement, je dois l’obliger à utiliser ce droit. Et si j’ai refusé de transmettre l’identité de ceux d’entre vous qui m’ont transmis les copies des courriers qu’ils ont reçus, c’est par réflexe de classe. Je ne souhaite à aucun d’entre vous l’épreuve d’une garde à vue, d’une perquisition ou d’être exposé entravé à la vue de tous.

Aujourd’hui, n’importe quel syndicaliste, n’importe quel militant ouvrier, n’importe quel manifestant peut faire l’objet d’une garde à vue. Le durcissement des lois destinées à la lutte contre le crime organisé ou le terrorisme sont aussi utilisées pour le contrôle du mouvement social. Le mouvement social étant par nature collectif et solidaire, une délégation, un syndicat, une association peut alors devenir « une bande organisée », les faits survenus au cours d’une manifestation ou d’une grève « des violences en réunion » et le fait de retenir des cadres dirigeants pour avoir une réponse sur l’avenir d’une entreprise peut être maintenant assimilé à une « séquestration ». Des termes qui permettent à la police d’utiliser la violence et qui alourdissent sérieusement les peines encourues.

Si le durcissement des lois et des moyens mis à la disposition des polices et de la justice ne donnent pas vraiment l’impression d’avoir fait baisser le risque pour des citoyens d’être victime de la délinquance, du terrorisme ou du grand banditisme, il n’est pas sans effet sur le mouvement social. Des syndicats comme la CNT, SUD-Solidaire ou la CGT déplorent toutes les semaines des cas de criminalisation du mouvement social qui vise leurs adhérents. Or, défendre l’intérêt général face à l’injustice ne devrait jamais être assimilé à de la crapulerie.

De gros moyens de police et de justice sont encore mobilisés pour défendre les seuls intérêts patronaux. Comment ne pas penser que ces moyens sont justement ceux qui ont manqué à la protection des 149 victimes des attentats de l’année dernière ? Police et justice s’attaque à nos libertés en se plaignant d’un manque de moyen pour lutter contre le terrorisme alors qu’un changement de priorité permettrait de libérer ces moyens.

Je suis syndicaliste et je ne peux pas oublier que ce sont les luttes syndicales qui ont permis de gagner la journée de 8 heures, les congés payés, le droit à une retraite, la couverture maladie et à peu près tous les avantages qui nous permettent de supporter le salariat. Comme la plupart des militants de la CNT, je suis révolté de voir de quelle manière le partage des richesses devient encore plus inégal et de voir que des organisations syndicales participent à cette inégalité en signant tous les accords qui vont à l’encontre des intérêts de ceux qu’elles sont censés défendre. Pour que je puisse continuer ce syndicalisme, je vous appelle à voter pour la CNT lors du premier tour des élections professionnelles du 2 février 2016.

Pour en revenir à mon affaire, j’ai saisi d’une plainte la direction de la commission Ethique et Responsabilité d’Entreprise du groupe Thales, je l’ai rencontrée en septembre dans les locaux du siège à La Défense, mais ils n’ont retenu aucune faute de la part de la direction de TMI. J’ai aussi l’intention de saisir le défenseur des droits d’une plainte pour discrimination mais la procédure est assez longue à mettre en place.

Le 14 janvier dernier, j'ai été de nouveau placé en garde à vue. On me prédit des peines délirantes : plusieurs mois de prison et plusieurs milliers d'euros d'amendes mais à l’issu de cette garde à vue, je n'ai reçu aucune convocation devant la justice.

La loi ne me permettant d’interroger le procureur de la république sur les suites de la garde à vue qu’après un délai de 6 mois, je n'ai donc plus qu'à attendre.

J’en profite pour remercier une nouvelle fois ceux et celles qui m’ont soutenu d’un mot ou d’un regard le 28 mai dernier, ou encore ce 14 janvier, pendant que d’autres paradaient. La Chanson pour l’Auvergnat de Brassens a pris pour moi, depuis, tous son sens."

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