Pour la direction de Thales la période des EAA est un moment fort de la gestion des ressources humaines. Pour les salariés, ce n’est pas toujours un moment agréable…
Chaque année, les
représentants du personnel comme par exemple ceux du CHSCT sont
interpellés par des salariés de TMI qui viennent de passer leur
entretien. Nous savons qu’il y a des entretiens qui se passent bien
mais notre rôle est de nous focaliser sur ceux qui se passent mal.
COMMENT doit se
passer l’EAA ?
Lors de plusieurs
réunions de la commission RPS nous avons expliqué que l’EAA
pouvait être à l’origine de souffrance au travail. Une souffrance
que seul le refus du salarié de passer cet entretien peut éviter.
Voici ce que la direction nous a répondu :
- l’EAA doit être un moment positif. Si un salarié préfère éviter d’y participer parce qu’il pense à tord où à raison qu’il va mal se passer, il a le droit de le refuser.
- Même si le pourcentage de tenu des EAA est un indicateur du Blue Book de Thales qui liste les objectifs à atteindre, personne à la direction des ressources humaines ne reçoit de prime ou bonus sur l’atteinte de cet objectif.
A ces affirmations,
s’ajoutent les consignes de la direction des ressources humaines du
groupe. Chaque année, une lettre de cadrage est discutée entre les
organisations syndicales et la direction des ressources humaines de
Thales France. La lettre de cadrage de Loïc MAHE indique pour
cette année que :
- Même si l’EAA est formalisé par un outil informatique intégré à People1st, l’utilisation de ce logiciel n’est aucunement obligatoire.
- Même si les EAA sont réalisés pendant la période d’attribution des augmentations, ils n’ont pas comme finalité essentielle la définition de la politique salariale.
- En aucun cas il ne doit y avoir de pourcentage de répartition entre les différents niveaux (on parle de Ranking ou Forced Ranking), la répartition ne pouvant être faite qu’à posteriori.
Pour notre part, suite
aux remarques entendus, nous ne pouvons que conseiller aux managers
et aux salariés qui souhaitent passer leur entretien :
- D’éviter d’utiliser les boxes vitrés qui se trouvent à proximité des zones de passages. Les entretiens doivent se passer dans un lieu calme, à l’abri des regards indiscrets.
- De choisir une date et un horaire où les 2 interlocuteurs sont réellement disponibles.
- D’éviter d’aborder les événements qui n’ont pas préalablement fait l’objet d’un échange suffisamment long pour qu’ils soient considérés par les 2 parties comme soldés.
POURQUOI passer
un EAA ?
Il n’est pas absurde de
s’interroger sur l’intérêt des EAA. Après une quinzaine
d’année de généralisation, ils sont de plus en plus
controversés. On trouvera en vrac, la non-pertinence des critères
retenus, leur manque de transparence, la possibilité de mettre en
concurrence des collaborateurs via des échelles de performance
(Ranking), la prise en compte d’indicateurs comportementaux et pas
seulement ceux du travail, la pratique quasi systématique de
l’autoévaluation, l’évaluation de l’adhésion à des
« valeurs » qui se sont pas nées du libre arbitre,
l’absence de procédure d’appel en cas de divergence de point de
vue, la tentation de sur-intensification du travail d’un salarié
pour augmenter ses chances d’être bien noté, la limite d’une
libre expression des salariés due au lien de subordination, etc.
Des dérives ont été
recadrées par des tribunaux qui ont constaté des liens de cause à
effet entre entretiens et dépressions au motif que des critères
comportementaux détachés de toute effectivité du travail accompli
pouvaient être préjudiciables à la santé mentale des salariés.
Des tribunaux ont aussi recadré des dérives vers des critères
comportementaux qui n’étaient pas « objectifs, vérifiables
et transparents ».
ET à Thales ?
L’auto-évaluation du
salarié ou le choix de la période sont loin de faire l’unanimité
mais ce n’est pas tout. Les « valeurs » du groupe, sur
le respect desquelles les salariés sont évalués, sont aussi
contestées notamment :
- « Avoir l’obsession du client. » L’obsession est au minimum une névrose et il paraît étonnant qu’un groupe industriel nous évalue sur notre capacité à être malade.
- « Innover, décider et agir avec rapidité. » La rapidité est un critère relatif qui est difficilement quantifiable. Dans cette dernière valeur, y est précisé que le salarié « assume la responsabilité de ses décisions » tout en sachant « prendre des risques calculés ». La direction de Thales laisse ainsi entendre que l’évaluation pourrait avoir une finalité disciplinaire étrangère à la finalité de l’évaluation qui est l’appréciation des aptitudes professionnelles.
La direction répondra
peut-être qu’elle travaille à de nouvelles valeurs mais il y a
d’autres choses encore dans le système d’évaluation de Thales
qui sont contestées. Le syndicat SUPPer (Groupe Solidaire) a
d’ailleurs envoyé en novembre 2011 une lettre très argumentée à
Loïc MAHE et Pierre GROISY, les DRH de Thales, demandant la révision
de People1st.
Les EAA ont déjà fait
couler beaucoup d’encre et un seul tract ne suffira pas à en
explorer tous les aspects. D’ailleurs, ils ne sont que la partie la
plus visible d’un type d’organisation reconnue comme stressant.
Participer ou pas aux EAA est un choix personnel mais nous ne pouvons
que recommander aux salariés qui se sentiraient exposés à une
évaluation arbitraire de s’abstenir. C’est une mesure de bon
sens, il est inutile de s’exposer inutilement à un risque.
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